Par Claire (1)

Verrines-Claire

En allant à Fontenay le 25 décembre dernier, je suis passée par Verrines. J’y ai pris des photos, que je verserai au patrimoine du « roman familial », la belle initiative d’Hélène.
Dans mon souvenir, la maison était moins « pimpante » qu’aujourd’hui (elle n’avait pas de volets blancs en tout cas) mais les alentours sont restés bien tels que dans ma mémoire. Sauf les panneaux qui n’existaient sûrement pas : « rue du temple » ; « la Tuilerie, la Ronze », ou encore « le Luc » de l’autre côté du temple…Par contre, je reconnais bien le premier bâtiment sur la route du temple, c’était « l’Union » et son muret de pierres longeant la route jusqu’à la maison.
L’hiver a cet avantage qu’en dénudant les arbres, il permet de découvrir ce qui est caché dans la verdure le plus souvent. Ainsi le panneau gravé dans la pierre : « union chrétienne de jeunes gens », au fronton de la porte, ne m’avait pas marquée. Voilà qui est fait désormais. Cette maisonnette, utilisée pour les activités paroissiales, était aussi pour nous, les enfants, la fréquente destination de nos terrains de jeux. On passait le plus clair de notre temps à l’extérieur, il me semble. On jouait tout autour de l’Union, et on passait même fréquemment du côté du champ des Bonnet, nos voisins les plus proches ; il y avait souvent des meules de foin dans ce champ et, si le cœur nous en disait, on poussait jusqu’à la ferme même, juste à côté : il n’y avait pas de clôture. Je me souviens de madame Bonnet et sa chaufferette. C’est elle aussi, ou bien alors est ce madame Tribot, qui nous avait raconté qu’elle ne portait pas de culotte, n’en ayant pas besoin parce que, lorsqu’elle avait une envie pressante, elle se cachait un peu derrière une haie et pissait tout debout, sous ses longues jupes. Ca nous faisait rire bien sûr, mais ça nous laissait surtout effarées et on rigolait plutôt sous cape. Madame Tribot habitait en face de la ferme des Bonnet, tout près de chez nous donc ; son mari s’appelait Juste (prénom lié à jamais pour moi à la campagne profonde). C’est elle qui faisait la confection de nos robes, et de nos jupes « à fanfreluches » ou toute en « fragonaille » comme disait son mari. Couturière, elle était aussi fermière car je crois bien qu’il y avait chez eux 2 ou 3 vaches, qui portaient des prénoms. Madame Tribot boitait fort et, avec Alida, la vieille dame du village qui aidait à la maison, ou encore madame Mialon l’institutrice, ces femmes me paraissaient des « figures » des plus importantes de ma vie d’alors. Il y avait aussi des chèvres, chez les Tribot ou les Bonnet ; un temps, il y en eut même une dans notre jardin, qui broutait tout ce qu’elle pouvait.
C’est en revenant sur ces lieux quelques 50 ans plus tard que je réalise combien la masse imposante du temple, posé tel un mastodonte juste en face de notre maison, tout au bout du village et à l’écart, a pu influencer nos pensées. Les miennes en tout cas. Il était énorme ce temple, et c’est vrai Corinne, tout à fait disproportionné avec la taille du village. Par exemple, l’église à côté, située à l’autre entrée, parait presque petite. Au passage, je note que le cimetière catholique est à ses pieds. A ce sujet, un autre souvenir refait surface : celui du cimetière protestant tout en friches, pas entretenu du tout ; et un jour, alors que l’un de nous s’en étonnait, l’explication paternelle est arrivée, qui est restée gravée au fond de moi : c’est que les protestants préfèrent s’occuper des vivants que des morts.
La dernière photo, je suis revenue sur mes pas pour la prendre, tellement elle m’a étonnée, cette plaque commémorative : « place du 19 mars 1962, cessez le feu en Algérie ». C’est la première fois que j’en voyais une semblable. Et ma considération pour ce village aimé en a grandi d’un coup, encore un peu plus.
Et puis, cette date, 1962, m’a reportée illico dans un autre lieu : Fontenay où nous habitions alors depuis quelques années. J’étais en classe de 4ème lorsqu’est arrivée une nouvelle élève qui bousculait tout sur son passage et faisait le pitre. Elle écrivait aussi de magnifiques rédactions décrivant son paradis perdu, l’Algérie que sa famille venait de quitter en catastrophe. On avait sympathisé toutes les deux, on a même fait ensemble les 400 (petits) coups, lors de cette terrible année de 4ème turbulente. Mais un jour, on s’est fâchées parce que je lui avais dit, sûrement très gravement, qu’en matière de politique, on ne pouvait pas s’entendre. La ville de Fontenay résonnait des échos de la fin de la guerre d’Algérie et il y avait de nombreux chauds débats entre les tenants de l’Algérie française et les contre. Les parents de Maryvonne, Pieds Noirs de longue date, faisaient partie des rangs des premiers, étant même pro OAS (organisation de l’armée secrète) je crois bien et scandant sur le klaxon de leur voiture le rythme « Algérie française » à travers la ville. Plus tard, on s’est rabibochées. Et Maryvonne a même décidé, un temps, qu’elle préférait aller au culte plutôt qu’à la messe. Son engouement pour la religion protestante, qu’elle avait décrétée moins hypocrite que la catholique, n’a duré qu’un feu de paille. Sur une photo de famille de l’époque, elle est avec nous, à table.
Mais ceci concerne Fontenay et c’est une autre histoire, dont je pourrai parler une autre fois.

visiteur_flo (le 13/02/2007 à 08h45)
C'était chez les Tribot qu'il y avait des chèvres.Un jour , madame Tribot m'avait confié la lourde tâche de tenir une de ces bestioles avec une longe et s'était éclipsée .Je devais être vraiment petite puisque je n'avais que 4 ans à notre départ de Verrines.La chèvre m'avait trainée sur plusieurs mètres,et au lieu de lacher la corde,je suis tombée sur les genoux en me laissant tracter jusque madame Tribot ne revienne et me libère.
Vous pouvez imaginer l'état de mes genoux!